L’UNIVERSITÉ DU DÉSERT DE CHINGUITT
La Mahdhara ou université du désert est une tradition chez les chanaguitt (mauritaniens) qu’on ne trouve presque nulle par ailleurs parmi ceux qui vivent dans les déserts. Il s’agit d’une institution d’enseignement qui a permis la formation des oulémas et la transmission des sciences dans un contexte marqué par des déplacements réguliers à la recherche des pâturages.
La Mahdhara a joué un rôle clef dans la diffusion de l’islam et de la langue arabe dans l’ouest de l’Afrique et a constitué un centre de rayonnement culturel et scientifique dans les déserts de la Mauritanie. Les Mahadhir (pluriel de Mahdhara) ont joué des rôles importants, politique et social, après la chute des Almoravides (Al-Murābitūn) à la fin du 5ième siècle de l’Hégire. Les Chouyoukh (savants de référence) de ces institutions intervenaient pour mettre fin aux conflits entre les tribus comme ils ont contribué à l’organisation de la résistance contre la colonisation militaire occidentale.
La Mahdhara a contribué à préserver l’identité arabe et musulmane des mauritaniens à une période marquée par la rétraction de l’influence du califa musulman et le début de l’invasion coloniale. Elle a défendu, par les sciences qu’elle diffuse, l’identité du pays et sa langue et, ainsi, elle a protégé les liens et l’harmonie au sein de la société.
L'élève et la méthode de formation
La méthode d’enseignement au sein de la Mahdhara laisse à l’élève le choix pour sélectionner les matières et les livres-support qu’il souhaite étudier. Cependant, le conseil du Maître est vu comme source de bénédiction et de réussite. La coutume consiste à étudier la grammaire et la poésie après la mémorisation du saint Coran et la maîtrise des connaissances obligatoires à tout adulte musulman afin d’avoir une pratique éclairée de la religion. Ces connaissances couvrent la foi, la jurisprudence ainsi que d’autres comme la conjugaison, la logique, les calculs, etc. Ces connaissances occupent une place importante dans le programme enseigné.
La Mahdhara s’appuie sur une sélection des livres considérés comme les références pour le sciences enseignées. L’élève doit étudier la totalité du livre de référence de la science qu’il a choisie d’acquérir. Aux yeux des maîtres des mahadhra, il est conseillé se consacrer à l’étude d’une seule science avant de passer à une autre. L’élève doit transcrire le texte de la page du livre à étudier sur sa tablette en bois et vérifier par le maître ce qu’il a écrit avant de se mettre à le mémoriser. Le maître explique le texte et l’élève, par une répétition régulière, le mémorise. Cette méthodologie est considérée comme le plus adéquate pour acquérir les sciences.
Les élèves sont parfois partagés en groupes libres. Chaque groupe, dénommé «L’Etat », étudie un livre de référence et un membre du groupe lit le texte tandis que le maître donne des explications avec la langue courante. Si un support explicatif s’avère nécessaire pour la compréhension, le maître peut dessiner sur le sable ou chercher un livre pour approfondir les explications et répondre aux interrogations des élèves.
Les élèves de la Mahdhara sont connus par leur grande capacité à mémoriser et à se rappeler des textes compte tenu de la méthodologie d’apprentissage basé sur la répétition des textes pour atteindre une excellence mémorisation. L’élève n’obtient AL IJAZA (certification de maîtrise) qu’à condition d'une bonne mémorisation des livres de référence de la culture et de la langue arabe.
La Mahdhara a su s’adapter aux conditions sociales et climatiques de la vie dans le désert. Ceci lui a permis de résister et d’exister des siècles durant. Les ressources de la Mahdhara sont constituées essentiellement des dons et de la Zakat. La grande partie de la Zakat est versée aux mahadhir qui accueillent un grand nombre d’enseignants et d’élèves.
